Certains parlent d'une révolution, d'autres y voient un danger. L'arrivée de ChatGPT, une intelligence artificielle qui apporte des réponses aux questions qu'on lui pose sous la forme d'une conversation, soulève de nombreuses interrogations.
Ceux qui l'ont essayé ne peuvent pas rester indifférents. Qu'on la qualifie de bluffante, impressionnante voire "flippante", l'intelligence artificielle ChatGPT a fait basculer l'IA à notre portée. Comment fonctionne ce logiciel, quels sont les enjeux associés, faut-il s'en réjouir ou le craindre, on tente de décrypter les grandes lignes de cet outil inédit.
1. ChatGPT, c'est quoi ?
Derrière ChatGPT, il y a l'entreprise américaine OpenAI, dont l'histoire débute en 2015 et qui compte parmi ses fondateurs, des personnalités très influentes de la tech, comme un certain Elon Musk, Sam Altman, un puissant homme d'affaires ou encore le Canadien Ilya Sutskever, décrit par le New York Times comme "l'un des chercheurs les plus importants de la décennie". En 2018, Elon Musk quitte la start-up et OpenAI lève des fonds pour financer ses recherches et le 30 novembre 2022, le modèle de langage développé par l'entreprise est disponible en téléchargement.
"Il s'agit d'une IA générative", explique Bertrand Pailhès, directeur des technologies et de l'innovation de la Cnil, à la tête du service IA, lancé le 23 janvier. "ChatGPT fonctionne par apprentissage, on l'a nourrie en amont de millions de données". Quant à son nom "chat", il signifie conversation en anglais et GPT, pour "Generative pre-trained transformer", traduit par "transformateur générique pré-entraîné".
Concrètement ça sert à quoi ?
Pour utiliser ChatGPT, disponible en plusieurs langues, dont le français, il suffit d'entrer une question dans une barre de dialogue. L'intelligence artificielle génère alors automatiquement une réponse sous forme de texte, gramaticalement et syntaxiquement bien construit à partir de la base de donnée dont elle dispose, qui n'est pas reliée à Internet.
Sa base de donnée a été constituée jusqu'en 2021, ce qui explique que ChatGPT n'est pas capable de répondre à des questions d'actualités. Il est en revanche possible de lui demander par exemple de rédiger un article sur l'histoire de France ou bien de lui demander de vous expliquer comment fonctionne le Parlement européen.
2. Pourquoi un tel engouement ?
L'IA, ce n'est pas vraiment nouveau, mais ChatGPT fait voir au grand public les étonnantes capacités d'une intelligence artificielle générative. Il est ainsi possible de demander à ChatGPT de rédiger une lettre de motivation pour telle ou telle entreprise ou de générer des lignes de code informatique.
Plus la demande est détaillée, plus la réponse est précise. "On arrive aujourd'hui à des niveaux de performance élevée avec des productions qui sont de très bonne qualité, très proche de ce qu'un humain répondrait ou produirait", commente Bertrand Pailhès.
3. ChatGPT est-il fiable ?
"ChatGPT n'est pas une base de connaissance, c'est ce qui le différencie le plus d'un moteur de recherche", rappelle ce dernier. En somme, ChatGPT a une approche statistique, à la différence d'un moteur de recherche : "Si beaucoup de gens lui disent que 2 + 2 font 5, il va finir par le penser. En revanche, quand on lui pose une question d'ordre générative, comme 'écris moi un poème à la manière de Baudelaire', il va être capable de répondre à cette question, ce que Google ne fait pas. Mais la réponse de ChatGPT n'est pas une réponse qui sera vraie ou fausse, c'est juste une proposition qui a une vérité discutable", illustre Bertrand Pailhès.
Il rappelle que les textes générés par ce type d'interface ont des limites. Pour éviter de tomber dans certains travers, comme des réponses qui pourraient s'avérer racistes, homophobes etc., les données qui ont nourri ChatGPT ont d'ailleurs été annotées par des personnes qui ont signalé que tel ou tel système pouvait être néfaste. "En gros, on lui a donné plein d'exemples de ce qu'il ne faut pas faire", résume Bertrand Pailhès, qui souligne que sur certaines questions, l'IA ne donne pas de réponse.
4. Quels risques et quel encadrement ?
Un règlement européen est à ce jour en préparation, mais déjà, en France, la Cnil a pris les devants en créant le SIA (Service d'intelligence artificielle), visant à renforcer l'expertise de la Cnil dans ce domaine. Actuellement, "les risques identifiés dans le Règlement IA vont être des risques liés à de la vidéo, à de la reconnaissance faciale dans l'espace public, ou d'utilisation de l'IA pour faire de la classification pouvant avoir un effet préjudiciable sur les personnes", explique Bertrand Pailhès.
Concernant ChatGPT, le risque pour les personnes semble limité. Mais il faudra selon Bertrand Pailhès, "une grande éducation de fond qui va avec l'outil". En somme, pour l'expert, "il y a le risque de personnes, comme des étudiants, puissent utiliser une machine pour répondre à un devoir ou encore qu'il y ait une "dissonance entre ce fait vraiment l'outil et ce que les utilisateurs pensent qu'il fait".
"Comme tout outil technique, il a été conçu par des êtres humains qui ont pris des décisions dans des pays qui n'ont pas forcément les mêmes législations qu'en Europe", résume Bertrand Pailhès. Quant à l'épineuse question de comment on contrôle les données qui entraînent cette IA, "c'est un peu le nœud du problème", reconnaît Bertrand Pailhès. "Aujourd'hui on est encore aux prémices, en termes de contrôle par des autorités publiques".
En 2023, une recommandation sur la constitution de la base de données au regard du RGPD (règlement général sur la protection des données), devrait voir le jour.
La grosse mise de Microsoft
Microsoft lorgne très sérieusement sur OpenAI et réalise des tests pour intégrer ChatGPT à ses outils. Début janvier, un média américain révélait que Microsoft Corp était en pourparlers pour investir 10 milliards de dollars (environ 9,3 milliards d'euros) dans la société OpenAI.
Des pourparlers qui ont finalement abouti à la troisième phase de coopération entre les deux sociétés, puisqu'un communiqué conjoint publié lundi 23 janvier évoquait un investissement de "plusieurs milliards de dollars", annonçait l'AFP citée par BFM.
Le but pour Microsoft serait alors d'intégrer l'IA à des outils de mail comme Outlook ou encore à son moteur de recherche, Bing. Une manière de revenir dans la concurrence sur le terrain des moteurs de recherches, jusqu'alors très largement dominé par Google ?
De la même manière, en investissant dans Open AI, Microsoft a égalmeent annoncé qu'il intègrerait Dall-E, une autre IA générative de la société, qui produit cette fois-ci non pas du texte, mais de l'image, à sa suite Office. Un partenariat qui, selon le New York Times, aurait provoqué l'activation d'un "code rouge", chez Google.
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