mardi 2 juillet 2024

Anatomie d'Ariane 6, la fusée qui va mettre l'Europe sur orbite - 20 Minutes

Les systèmes d'Ariane 6 ont été testés le 20 juin lors d'une répétition générale.
Les systèmes d'Ariane 6 ont été testés le 20 juin lors d'une répétition générale. - ESA-Cnes-Arianespace-ArianeGroup / Optique Vidéo du CSG / ArianeGroup

L'essentiel

  • Le nouveau lanceur européen Ariane 6 doit effectuer son tout premier vol le 9 juillet, après dix ans de développement.
  • Conçu dans le but de répondre aux nouveaux besoins du marché spatial, le lanceur est modulable à plusieurs niveaux afin de s’adapter à un plus grand nombre de clients.
  • Dimensions, capacités, coûts réduits, comparaison avec Ariane 5… A l’occasion de son premier vol, « 20 Minutes » dresse le portrait de cette nouvelle fusée très attendue.

Le grand jour approche. Un an après le dernier vol d’Ariane 5, le 5 juillet 2023, l’Agence spatiale européenne (ESA) s’apprête à lancer son nouveau bébé, Ariane 6, dont le vol inaugural est prévu mardi 9 juillet, entre 20 heures et 23 heures (heure française) depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Une mission à fort enjeu, alors que le lanceur doit permettre à l’Europe de disposer d’un accès indépendant à l’espace.

La mission, dont le but est de démontrer le bon comportement de la fusée et d’en tester les capacités, embarque plusieurs charges utiles : une masse inerte de 2 tonnes, censée simuler des satellites Galileo, huit cubesats, des petits satellites « de la dimension de boîtes à chaussures », deux capsules de rentrée atmosphérique et cinq expériences, « qui feront un certain nombre de mesures pendant toute la durée de la mission », a expliqué Michel Bonnet, responsable du vol inaugural à l’ESA, lors d’une conférence de presse le 25 juin. A l’occasion de ce tout premier vol, portrait du nouveau lanceur européen.

Un géant européen

Dans les fratries, il arrive souvent que les petits derniers dépassent leurs aînés. C'est pareil dans la famille des lanceurs Ariane : Ariane 6 est plus grande que sa sœur puisque, « avec sa plus grande coiffe, la coiffe longue, elle mesure 62 mètres, contre 55 pour Ariane 5 », décrit François Deneu, chef du programme Ariane 6 chez ArianeGroup, l’industriel chargé de développer la fusée. Sa coiffe courte lui permet d’atteindre 56 mètres de haut, ce qui la rend plus grande que son prédécesseur dans n’importe quelle configuration.

Son diamètre, de 5,40 mètres, est similaire à celui d’Ariane 5. Et les similitudes avec sa sœur ne s’arrêtent pas là. « En termes de performance, en tonnes, qu’Ariane 6 est capable de placer sur différentes orbites, c’est à peu près équivalent à Ariane 5 », explique François Deneu. Mais, si elle est comparable à Ariane 5, « elle est capable de faire beaucoup plus de missions », et c’est là tout son intérêt.

Un lanceur modulable

Impossible de parler d’Ariane 6 sans évoquer sa polyvalence, rendue nécessaire par les nouveaux besoins du marché spatial, ultracompétitif et qui exige d’être capable de lancer tout type de charge utile sur différentes orbites et d’assurer, notamment, le lancement de constellations [de satellites]. Pour cela, la fusée est modulable sur plusieurs paramètres, à commencer par le nombre de boosters, déterminé par la masse de la charge utile emportée et les orbites visées.

Le lanceur est ainsi disponible en deux configurations : Ariane 62, équipée de deux boosters (la version du vol inaugural), et Ariane 64, flanquée de quatre boosters, qui permet de doubler la masse des charges utiles envoyées en orbite. «  En décollant avec deux boosters, la performance est inférieure et correspond à des missions moins couteuses, s’adaptant ainsi aux besoins du client, détaille François Deneu. Quand on met quatre boosters, on retrouve la performance d’Ariane 5, donc on retrouve le marché auquel elle pouvait répondre. »

Le nouveau lanceur européen offre également la possibilité d’utiliser deux coiffes différentes : l’une de 20 mètres de haut, plus grande que celle d’Ariane 5 – qui mesurait 17 mètres –, l’autre de 14 mètres. A l’intérieur de celles-ci, plusieurs configurations sont possibles, toujours dans l’optique de s’adapter aux besoins des clients, pose le chef du programme Ariane 6 chez ArianeGroup : «  Sur le premier vol, il n’y a pas besoin d’un grand volume sous coiffe, on utilise une coiffe courte. Quand Ariane 6 volera pour emmener des constellations, ce sera avec une coiffe longue, permettant d’embarquer un maximum de satellites sous la coiffe. »

Un étage supérieur rallumable

L’autre grand atout du lanceur : son étage supérieur, équipé du moteur Vinci rallumable plusieurs fois, qui permet de faire des manœuvres dans l’espace pour placer des charges utiles sur des orbites différentes lors d’un même vol. C’est une grande évolution : « Avec Ariane 5, le moteur HM7 ne pouvait être allumé qu’une fois, et on positionnait la charge utile sur une orbite », compare François Deneu. Ce nouveau moteur permet ainsi à Arianespace d’élargir ses missions, en utilisant « plus ou moins les capacités de cet étage supérieur » en fonction des besoins et des demandes des différents clients.

Disposer d’un étage supérieur rallumable présente aussi l’énorme avantage de pouvoir le désorbiter, c’est-à-dire de le faire revenir vers la Terre pour le faire brûler dans l’atmosphère. « Ça permet de ne pas garder un étage qui est une masse inerte et qui encombre l’orbite », explique le responsable chez ArianeGroup, comme l’oblige la loi française et européenne. Si ce n’est pas possible, « quand on est sur des orbites plus énergétiques » par exemple, l’étage de la fusée sera envoyé « sur une orbite parking, qui n’est pas utilisée pour les satellites ».

Des coûts de lancement réduits

Afin de proposer un lanceur compétitif sur le marché et des coûts de lancement nettement inférieurs, les coûts de production d’Ariane 6 sont inférieurs de 40 à 50 % à ceux d’Ariane 5. Pour parvenir à une telle réduction, la cadence de lancement d’Ariane 6 sera doublée par rapport à son prédécesseur, estime François Deneu : là où Ariane 5 effectuait cinq ou six lancements par an, « sept exceptionnellement » d’après Pier Domenico Resta, responsable de l’ingénierie du système de lancement d’Ariane 6 à l’Agence spatiale européenne, le nouveau lanceur européen en fera une dizaine, « jusqu’à onze voire douze ». « Quand on peut amortir les coûts fixes, qui sont les coûts de la structure, sur dix lanceurs au lieu de cinq, forcément, on réduit le coût du lancement », explicite François Deneu.

Des économies sont aussi faites sur toute la chaîne de production, plus efficace. Les usines de construction du lanceur utilisent « les principes de l’industrie aéronautique, poursuit le responsable de programme Ariane 6 chez ArianeGroup, car les coûts de l’aéronautique sont inférieurs, par structure et par son approche industrielle, aux coûts du spatial ». Contrairement à Ariane 5, les différents étages du lanceur sont testés en Europe avant de partir pour Kourou, « ce qui fait qu’ils arrivent complètement testés en Guyane et qu’on les intègre directement sur le pas de tir », permettant d’assembler le lanceur « en une semaine », contre « au moins un mois pour Ariane 5 ». L’utilisation du navire à voiles Canopée pour transférer la fusée de l’Europe continentale à la Guyane, qui réduit la consommation de carburant de 30 %, mais aussi a numérisation de la production, la robotisation et l’impression 3D de certaines pièces contribuent aussi à réduire les coûts d’Ariane 6.

Une « famille de lanceurs européens »

Si on repart rarement de zéro dans le spatial, c’est d’autant plus vrai pour Ariane 6, directement dérivée de son prédécesseur. « On a fait le choix de réduire les risques au maximum [en reprenant des éléments qui marchaient], mais on a introduit des nouveautés qui étaient nécessaires pour satisfaire de nouveaux besoins », raconte Pier Domenico Resta. En 2014, date à laquelle l’Agence spatiale européenne a décidé de commencer à développer sa nouvelle fusée, « on [avait] un étage cryogénique inférieur avec un moteur Vulcain qui était déjà à sa version 2.1, qu’on pouvait réutiliser », poursuit-il. C’est donc ce moteur que comprend l’étage principal d’Ariane 6. Le moteur Vinci, qui propulse l’étage supérieur, « avait déjà fait ses preuves » en combinant « des milliers de secondes d’essai » et a donc été repris.

Mais Ariane 6 reprend aussi des éléments de Vega, le lanceur léger européen. Les boosters de la nouvelle fusée de l’ESA sont une « version évoluée de son premier étage », qui présentait l’avantage considérable « d’avoir déjà volé plusieurs fois » et donc « d’être fiable », explique Pier Domenico Resta. Ces similarités entre les fusées s’inscrivent dans l’idée d’avoir une « famille de lanceurs européens ». Le concept a même été poussé plus loin puisque les boosters d’Ariane 6 sont utilisés comme premier étage de Vega-C, la nouvelle version du lanceur léger. Celui-ci devrait, lui aussi, voler pour la première fois cette année, après l’échec de son premier vol commercial en décembre 2022. De belles premières à venir pour l’Europe spatiale.

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